Ecrire, dit-il

« Qui écrit comme il parle, parle peut-être bien mais écrit mal. »

Lorsque quelqu'un – fut-il animé des meilleures intentions - vous demande si vous écrivez, si vous n'avez pas un penchant pour la mégalomanie et que vous faites preuve d'un narcissisme raisonnable, la réponse normale devrait être : « Qu'est-ce que cela peut vous foutre ? »

En effet, c'est une question très indiscrète. Quoi de plus intime que l'écriture ? Quoi de plus secret ? Celui qui écrit sans tricher livre beaucoup de lui-même. Il est donc légitime et presque défensif de penser : « Quel est donc ce petit voyeur qui veut faire un tour dans ma tête ? », quand un superficiel, fut-il un ami, témoigne du désir de vous « lire ».

Lire c'est se balader dans la tête de l'autre, dans son cerveau, dans son imaginaire et ses mots. On n'écrit pas pour les voyeurs. On n'écrit pas pour les ennemis. « Pourquoi devrais-je me dévoiler à toi qui ne m'est rien et qui risque de te servir de ma faiblesse pour me faire du mal ? » Tout le monde sait qu'en société il vaut mieux, et de loin, avancer masqué. Celui qui écrit se dévoile. S'il n'est pas totalement impudique, il est quand même en position de faiblesse face à un ennemi potentiel. C'est pour cela que publier est une drôle d'histoire.
On ne devrait écrire que pour soi-même. Ne considérer l'écriture que comme un agréable loisir. C'est vrai, écrire quelques vers quand on est poète, ou quelques petits textes, quand on ne l'est pas, cela peut « adoucir le cours du temps » comme disait joliment Borges. C'est aussi essayer de donner un rendu pas trop mauvais, d'être le miroir le plus fidèle, d'une partie de ce que nous sommes et pensons... Beaucoup s'y sont astreint, des plus talentueux aux moins bons. Et je crois, finalement, que ce qui différencie un écrivain d'un dilettante c'est peut-être tout bêtement ce qu'on pourrait appeler « la vocation. »
Rilke conseillait de chercher en soi, au plus intime, si l'on éprouvait la nécessité d'écrire. Et, après cet examen minutieux, si la réponse était positive, de ne se préoccuper que de cela : l'écriture. Et d'y consacrer ses jours...

La nécessité d'écrire, je ne l'ai jamais eu, d'ailleurs je ne me suis jamais senti habité d'aucune « nécessité » particulière. Je ne suis, je crois, qu'un bavard. Une sorte de « peintre du dimanche », d'amateur. D'ailleurs, je n'ai pas de vocation bien définie. Et c'est peut être ça « mon problème », comme on dit.

Ecrire, comme ça, « manière de », est toutefois un bon exercice de mise au clair de nos pensées car il nécessite un plus grand souci de clarté et de logique que l'oral, plus aventureux, plus anarchique, plus fantaisiste. Et puis, c'est un passe-temps comme un autre, après tout. Moins agréable que la lecture, car plus contraignant, mais plus constructif que beaucoup d'autres – Et là, je parle d'expérience.

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