Sans issue

- Tu as donc opté pour une petite vie médiocre, "bourgeoise", au ras du sol. Te voilà bouffi et bien confortablement installé dans tes pantoufles, malheureux comme jamais.
- Parce que tu crois que ma vie d'avant, tumultueuse et anarchique, échappait à la médiocrité, toi ? Et peut-être étais-je plus heureux en ces temps-là ?
- Au moins ce désordre te ressemblait.
- Et toi ? Quelle est ta vie ? As-tu tout réussi comme dans tes plans ? Es-tu "heureux" et bien satisfait de la vie que tu mènes ? Allons, ne me raconte pas d'histoires. Tu es peut-être plus à plaindre que moi. Je vis avec un homme d'une délicatesse et d'une bienveillance peu communes. Alors certes, ce n'est pas le bad boy destructeur de mes fantasmes masochistes mais c'est le seul et unique ami que j'ai eu dans ma vie.
- Tu l'aimes alors.
- Je crois, oui. A ma façon.
- Tu passes ton temps à pleurer sur ta vie perdue, gâchée. Tu bois toutes les nuits en espérant en crever bientôt. Tu ne penses qu'à la mort, qu'au désastre, crois-tu que c'est ça une vie ?
- C'est la mienne.
- Ne voudrais-tu pas "aller mieux" ?
- Si, je le voudrais beaucoup, tu sais, il y a beaucoup de choses merveilleuses que je souhaiterais, mais je pense que ce n'est pas possible.
- Alors tu vas continuer à te défoncer et à rêver un bonheur à jamais absent ?
- Je ne pense pas que ce que tu appelles "bonheur" me soit un jour accessible, en effet. J'aimerais un jour entendre le témoignage d'un homme heureux qui me convainque. Je ne l'ai jamais croisé cet homme-là. Même Mathieu Rosaz, le chanteur, me fait un peu peur avec son rejet absolu, aux intonations fanatiques, de tout ce qui peut toucher à la "maladie", au malheur. Lui appelle ça le "mal être", dans lequel se "vautreraient", comble de l'inélégance, certains individus, entends par là ton serviteur, par opposition au "bien être". Il en a plein la bouche de son "bien être" - il aime aussi beaucoup le mot "santé", cet homme pétillant -, qui est son activité professionnelle principale aujourd'hui. Son cabinet ressemble d'ailleurs à un boudoir de cocotte. Je serais un peu flippé d'aller me faire "masser", ou quoi ou qu'est-ce, là dedans... J'imagine les odeurs musquées du lieu... Ce doit être référencé "gay friendly", je ne sais pas... "Bonjour monsieur Rosaz, je suis une grande admiratrice, j'ai beaucoup aimé votre interprétation du "départ exemplaire" et j'adore votre voix, vos mélodies et vos harmonies, vous faites les finitions ?" le monde est un puit sans fond de douleurs et de déceptions.
- Quand tu aimais C., tu étais encore vivant.
- Ah tu trouves. J'étais un mort-vivant, oui. Son refus d'obtempérer m'a flingué définitivement. Je suis vraiment mort à partir de lui. Je me survis depuis ce temps-là, en attendant la fin.
- Tu es un cas désespéré mon pauvre Max.
- Au moins, je ne l'ai jamais caché.

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