Fragments de fin d'après-midi

Je me demandais récemment ce qui m'empêchait d'aimer tel artiste, tel cinéaste, tel homme, auxquels je reconnaissais par ailleurs certaines qualités. C'est Vassili Rozanov qui m'apporta la réponse :
« On ne peut aimer que l'être ou la chose pour lesquels le coeur souffre. (…) Avec Rtsy nous nous comprenions à demi-mot, par allusions ; mais il était aussi pauvre que moi, « inutile ici-bas » tout comme j'avais le sentiment de l'être. Or, c'est cette « inutilité », cette « marginalité » qui réunit terriblement et qui permet « aussitôt de tout comprendre » ; alors les hommes deviennent frères, et pas seulement en paroles. »
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En lisant André Comte-Sponville, je tombe sur sa définition de l'amour de charité : « Aime-toi comme tu es, c'est à dire comme n'importe qui, et tu verras qu'il devient possible d'aimer n'importe qui comme toi-même. » Puis il cite une de ces amies psychiatre : « Les gens ne savent pas s'aimer eux-même, ils sont trop narcissiques pour ça ! »
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Ma rupture avec Léo Ferré s'est faite le jour où, pour survivre, je suis devenu un salaud ordinaire. Sans doute l'avais-je toujours été et n'ai-je ainsi que levé le voile sur ma véritable nature. Quoi qu'il en soit, du jour au lendemain, il cessa de chanter pour moi.
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Ce qui est mal c'est bon. Ce qui est bien c'est fade. Débrouille-toi avec ça.
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Dans le fond je ne suis qu'un péquenot. La liberté me terrifie. Et pour tout dire, je tremble devant la beauté. C'est pour cette raison que j'ai toujours aimé les accidentés de la vie, les ratés. C'est dans leurs yeux, embrumés de nostalgie et de regrets, que je me sens chez moi.
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Mon coté contemplatif ne doit être qu'une expression de ma pusillanimité. J'admire la jeunesse, la passion, la vie, mais de loin. Derrière une vitre. C'est dur à dire mais je suis bien dans mes pantoufles.
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On s'habitue à tout. Même et surtout à sa médiocrité. Hélas...
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Certains se comparent les bites, d'autres les arguments. Dans le fond, c'est la même chose. Je n'ai jamais été très fort au jeu du « qui pensera le plus loin ».
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A tout prendre, je préfère l'imbécile malheureux à l'imbécile heureux. Moins arrogant...
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Je regarde par la fenêtre et l'horizon m'est barré par un visage de nigaud. Ce n'est pas tragique, c'est tristement banal. Le nigaud s'étend, le nigaud est le cancer de la terre.

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