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Les accommodements raisonnables

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J'ai « rencontré » Jean-Paul Dubois quand j'avais vingt ans. J'étais dans ma période fou furieux. « Schizophrène » borderline. Je vivais dans un monde parallèle. Parallèle à quoi ? Nul ne le saura jamais. Il était invité par la Fnac de ma ville pour causer de son nouveau roman. Da ns la salle : personne. Ou plutôt si. Un couple d'amoureux qui n'écoutait rien du dialogue avec l'animateur, passant son temps à s'embrasser, à se bécoter. Et moi. J'étais totalement myope à l'époque et je m'assieds toujours « loin » de la scène pour ne pas être agresser par trop d'existence. Je ne distinguais donc qu'une forme vague, au loin, là bas. En outre, je ne le connaissais pas. Ne l'avais jamais lu. Je cherchais simplement tous les moyens pour fuir l'appartement Riquiqui où je vivais avec ma mère. Alors, totalement par hasard, un peu comme les deux tourtereaux qui ne devaient pas avoir les moyens de se payer une chambre d'hotel, j'avais

Murmures

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Il ne faut pas s'astreindre à une oeuvre, il faut seulement dire quelque chose qui puisse se murmurer à l'oreille d'un ivrogne ou d'un mourant. Cioran. Dieu que je n'aime pas Jacques Demy ! J'ai revu ce soir son « Lola » avec Anouk Aimée. Histoire à l'eau de rose et bons sentiments, décors et personnages de carton pâte, minauderies incessantes de chatte babillarde et « poésie » pour bobos romanesques, simplets et surprotégés... « C'est pas un peu Zazou tout ça ? » me demande, ironique et agacé, un ami. Quand on considère le nihilisme et le cynisme porno-trash de notre époque, ça détonne, en effet. « La vie est belle, non ? » pouffe Lola. Tout Demy est dans cette phrase. Que dire aussi de ses « Parapluies », d'une mièvrerie rose bonbon hors compétition ? Les chansons « Chabada-bada » insupportables de Michel Legrand me donnent, je n'exagère pas, des envies de meurtre. Quand Peau d'âne chante, par ailleurs, sa recette de Purée Mousseline, je me

Laurent Lucas

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A vingt ans, j'étais, ce qu'on appelait alors, un « cinéphile », terme aujourd'hui totalement inusité et dépassé. J'avais, je crois, une oreille et un oeil plus pénétrants qu'aujourd'hui. J'étais comme en exploration d'un monde différent et baroque à chaque film. Damn, j'étais tout neuf ! Je tombais de la dernière averse. Mon hypersensibilité était intacte. Je mangeais les films que je visionnais avec boulimie et passion. Il me semble, mais c'est loin maintenant, que je voyais et entendais plus clair à cette époque-là. Je n'avais pas besoin de notice pour entrer dans les films de Jean-Luc Godard, j'étais d'emblée chez moi. Comment expliquer cela ? Je ne sais pas. Je voyais vraiment des choses bouleversantes sur mon écran. Les acteurs, je les scannais, les situations, je les ressentais, le drame humain qui se jouait, je le comprenais. J'avais l'impression, à la mine blasée et résignée de mes « amis » d'alors, que j'étai

Nuit

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« La vie c'est nul de toute façon ». C'est un anorexique aux très beaux yeux, creusés d'insomnies et d'angoisse, qui semblait bien savoir de quoi il parlait, qui me l'a dit sur un ton tragique et misérable, une nuit, dans une boite à naufrage. Le vacarme était monstrueux ce soir-là, ou je n'avais pas assez bu, je ne sais plus. Mais il était jeune et beau. Je me souviens de lui. Les hommes sont des ombres. Parfois, elles délirent dans les parcs croyant comprendre ce qu'« exister » veut dire, tantôt elles vous embrassent, saoules et totalement inconscientes de leur beauté, dans un bar de fin du monde. Mon chat dort du sommeil du juste, sur le lit près de moi. Il ronfle même, le bougre. Il n'est pas tout à fait vrai que les animaux "sentent" nos maux et s'en inquiètent. Les chiens peut-être... Mais mon chat, non. C'est un petit chasseur de mouches tout à fait égoïste. Mes états d'âmes, mes tourments d'homme, il s'en Miaou total

Léo Grande

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Un ami sexagénaire m'écrit : - Je te trouve dur avec les mecs ayant passé la « date de consommation » comme moi. Donc, comme l'écrivait Brigitte Fontaine dans sa chanson « Prohibition » : « Plus de foutre à soixante-ans ?». C'est dur. Que doit-on faire alors ? Abandonner, « par décense » ? Se réfugier dans le fantasme et la masturbation ? Si j'ai bien su te lire, c'est ce que tu prônes. Brigitte Fontaine continuait sa chanson ainsi : « Je suis vieille et je vous encule ! »  J'avais envie de te l'écrire, ce soir. Tu sais que je t'aime, Max, mais parfois ce que tu peux être con. C'est bien envoyé mon ami, mais tu n'auras pas tout à fait compris ma pensée. Du moins mon sentiment. Déjà, quand j'évoque mon aversion de la vieillesse, je parle surtout pour moi. Depuis que me voilà moins désirable à mes propres yeux, j'ai du mal à entendre qu'un jeune homme, beau et vivant puisse, lui, me trouver un attrait. Je ne me sens pas légitime, à mon

D'une impasse

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Je me suis toujours senti "visé" par la catégorie philosophique du "Riquiqui" inventée par Frédéric Schiffter, sans éprouver ni ressentiment, ni hargne à son égard pour autant, mais sans honte superflue non plus : Les choses étant ce qu'elles sont sans trop me demander mon avis. J'éprouvais plutôt une sorte de résignation souriante. Car, j'ai beaucoup d'indulgence pour les "riquiquistes", sympathiques et désarmés losers. La vie, pour certains êtres, pourtant non dénués de charme, peut parfois sembler un brin trop difficile. D'ailleurs, je pense pouvoir dire que le « riquiqui » est une composante essentielle de ma personnalité. Je crois n'avoir toujours vécu que « du bout de la vie », préférant « l'ébauche à la débauche ». Pour ne parler que de mes amours, il m'est le plus souvent arrivé de n'en rester qu'à la caresse d'un désir. Pensant, j'imagine, et avec naïveté, avoir « toute la vie » pour décliner à l'

Absent

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Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid Léo Ferré. Je n'aurais jamais rien su prendre véritablement au sérieux. Même pas « le réel ». J'ai toujours pressenti, avec une ironie inquiète, l'irréalité du monde, sa farce originelle. Seul le pire, pensais-je, que je n'aurais jamais vécu, et que je redoutais plus que tout, aurait pu, peut-être, me raccrocher au wagon de « la réalité », comme ils disaient tous. Hélas, je n'aurais jamais pu croire tout à fait au « monde ». Il y avait toujours comme un écran entre lui et moi. Je ne me serais jamais vraiment non plus absolument identifié à mes actes, à mes paroles, à mes écrits, à mon corps. Je ne recevais pas vraiment les coups et les baisers. Et pourtant, il y avait du « sacré » dans ma vie. J'aimais et je souffrais pour de vrai. Je pleurais sans tricher sur le malheur de ce monde factice, qui se moquait de moi et de tout. Je vivais là, en lui, pris dans sa grande illusion, et je l'aimais. Par faiblesse.

L'immonde

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Je m'étais procuré, il y a de cela deux ou trois éternité, le gros livre de Luc Ferry « Qu'est-ce qu'une vie réussie ? ». Et je ne l'ai jamais ouvert. Je m'étais promis de le lire. Plus tard. Mais il me semble aujourd'hui que ce "plus tard" n'adviendra pas. Il doit traîner quelque part au fond de ma bibliothèque. Cela m'intéressait beaucoup à cette époque de savoir comment la bourgeoisie, cultivée et ultra diplômée, pensait et vivait. Raison pour laquelle je me tapais, soir après soir, toute la filmographie de Jeanne Labrune. Pour voir ces messieurs-dames, sapés "haute couture", évoluer sous leurs beaux plafonds Haussmanniens. Pour les regarder et les entendre vivre, penser, aimer. J'avais une sorte de « complexe de classe », moi, le "bon élève des mauvaises classes", le zonard de bar à bière, le poète des caniveaux. Et je voulais m'en débarrasser. Je n'ai jamais vraiment souhaité "réussir ma vie". Ni p

Ashtag Francis 15

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Ah ! que la Vie est quotidienne... Et, du plus vrai qu'on se souvienne, Comme on fut piètre et sans génie... Jules Laforgue. J'ai eu internet très tard. Je passais les nuits de ma jeunesse l'oreille collée à mon radio-cassette ou, Elodie endormie sur mon épaule, à lire. Je ne voulais pas entendre parler de cette avancée technologique à laquelle d'ailleurs je n'entendais rien. J'étais définitivement du « monde d'avant ». A cette période, dans la boite de nuit où je trainais quelques-unes de mes insomnies, errait Francis. Une sorte de « monsieur propre » sentimental, chauve et rose - "façon jambon d'York" -, dans une galère sociale pas possible. Ce type, fraichement divorcé et père d'une toute petite fille et d'un bébé, c'était découvert « gay » sur le tard. En liquidation judiciaire pour diverses tentatives de fraudes, et manigances bien au dessus de ses compétences, il était en faillite absolue et cherchait un toit. On papotait la n

Lettre à Kendji et Slimane

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Non pas la trahison de la morale est condamnable, mais la morale. Elle est hypocrisie en soi. Non pas que ceux-là boivent du vin devrait être dévoilé, mais qu’ils prêchent l’eau. Karl Kraus. Vous voyez les gars, malgré vos dérives, je ne vous aime pas. Vous voilà les reniant sur les réseaux sociaux et pleurnichant publiquement : "C'est pas moi c'est la maladie, c'est le hasard, c'est la destinée". Pauvres idiots. Si vous n'étiez pas des produits Kleenex à la solde de vos maisons de disque, j'espère que vous auriez un peu plus de couilles. Ils vous vendent "comme du savon à barbe", comme de jolis produits "safe", labellisés, et sous contrôle. Alors oui, "ça dépend" ça dépasse, hein, les gars ? Vois-tu Slimane, ton look improbable et ta voix insupportable, je suis sûr que je pourrais les apprécier si tu nous vendais ta vérité : celle d'un type intempérant, qui harcèle, qui palpe du cul et qui aime salement, immodérément.

Petite musique de nuit

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Y'en a des qui sont mélomanes qui aiment Schubert et Schumann Y'en a des qui jouent du pinceau qui voudraient z'être Picasso Y'en a des qui vont au ciné des qui préfèrent bouquiner Des qui jardinent, des qui bricolent Toi tu picoles Y'en a des qui, sans ambition picolent avec modération Y'en a des qui, pour s'amuser picolent un peu, sans abuser Y'en a qui picolent à mi-temps des qui buvotent en vapotant Qui boiv' petit, qui "peticolent" Toi tu picoles Y'en a des qui font des régimes qui font des UV, de la gym qui font des pompes des abdos des très gros con (hip !) sommateurs d'eau pour rester bien proportionné avec ton bide, ton gros nez et ton joli teint viticole Toi tu picoles Toi tu picoles, tu picoles et t'es tout z'imbibé, tout z'imbibé d'alcool Tu picoles, tu picoles. Patron la même et sans faux col toi tu picoles Nicolas Moro. Clic pour écouter
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C'est pas forcément la misère C'est pas Valmy, c'est pas Verdun Barbara. Tu ne lis plus, tu ne vis plus, tu ne ris plus. Tu restes chez toi, tu bois et tu attends sagement la fin.

Film d'époque

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Un ami se demandait ce que pourrait donner un film hypermoderne, dans l'air absolu de notre temps. Un film qui témoignerait avec justesse et précision de notre époque. Je réfléchis un instant et je lui répondis ceci : - Je verrais bien un court métrage. Inutile d'être trop long pour montrer l'immonde. Je filmerais ça à la manière d'un téléfilm Bobo de France télévision. Le personnage principal serait incarné par Jean Rochefort. Ce serait l'histoire d'une balade, philosophique et poétique, inspirée des films d'Anne-Marie Mieville. Jean, accompagné d'un jeune homme très beau, cheminerait dans les allées d'une ville non identifiée, après un repas léger et joyeux prit dans un modeste troquet. Les dialogues seraient savoureux. D'une poésie libre, libertine même, d'une frivolité et d'une anarchie rafraichissantes et gaies, un peu dans le style des chansons de Brassens. Jean Rochefort parlerait plus volontiers, grisé par un léger vin frais, et s

To be or not in love

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- Y a des mecs ils sont pas beaux, comme toi là, avec ta petite gueule de connard. Ils sont sexys, tu vois ? Ces mecs-là, on en tombe amoureuse, gars. - Je te ressers ?

Lettre à Théo

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Cher Théo, Cette nuit, à l'instant même devrais-je dire, je vous ai écrit une lettre. Assez longue et, oserais-je le dire ? belle. En tout cas : vraie. Sauf qu'au moment de la consigner tous mes mots s'étaient envolés et enfuis loin de moi. Tant pis pour moi et tant mieux pour vous, vous ne la recevrez pas. En tout cas pas cette nuit. Car je me connais, elle peut revenir. En fait, voyez-vous, je n'écris pas, je parle. Et si je ne prend pas le clavier au bon moment, laissant imprudemment défiler la trop rapide logorrhée de ma pensée, tout s'enfuit et s'écoule dans l'éther évanescent de ma bouillie mentale. Souvent, me voilà couché, au bord du gouffre, délirant de sommeil, et papotant, en esprit, avec moi-même. Tout mon babil me semblant, alcool oblige, digne d'être consigné, je voudrais me lever. Mais non, il est trop tard, mon corps ne bougera plus. Et Pfuit ! tout s'évanouit, vous comprenez ? Vous me direz, et je l'entendrai très bien : "ça

Un souvenir

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Il était "black", jeune, très mince. L'air un peu "déconnecté", un peu hors circuit, un peu loser. Il avait de très beaux yeux cependant, noirs, en amandes. Ses dents étaient d'une blancheur étonnante. Je l'avais croisé dans une boite de nuit. Et il m'avait suivi chez moi. Il me laissa son numéro, je le rappelais. Nous nous retrouvâmes dans un Kebab, une nuit. Il me parla, la bouche pleine et en riant comme un enfant, d'une émission de TF1 qu'il adorait, présentée par Cauet, un animateur TV porcin au QI proche du débile. Il ne se doutait pas que je me détachais à cet instant totalement de lui. Je bouffais mon Kebab rapidos et me cassait, morose, presque sans dire adieu. Un soir, je rentrais tôt de la formation professionnelle que l'on m'obligeait de suivre. Totalement déprimé, je me couchais immédiatement. Il sonna à l'interphone. J'ouvris. Il ne comprit pas trop ce que je faisais au pieu à cette heure. Il se déshabilla tout d

Petit mot pour les écologistes

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Catherine dans les forêts primaires (clic) Chers amis, Votre combat est noble, juste et beau mais on vous a déjà dit que le vivant perdurera, quoique fasse ce gros débile de singe blond aux allures de Donald et aux oreilles de poutine. Un jour ce gros con d'orang-outang bipolaire que l'on nomme "homme" disparaitra, soyez-en certains, et la nature reprendra, lentement, à son rythme, qui n'est pas celui des humains, qui est bien plus lent, largement plus long, et tant que le soleil le lui permettra, sa suprématie, ses "droits" si vous voulez. D'autres espèces apparaitront, d'autres plantes, d'autres fleurs fleuriront. Ne soyez pas inquiets outre mesure, mes beaux amis à la barbe fleurie, la planète se fiche de nous. Nous détruisons à tout va : soit. Nous polluons, nous tuons, mais, chers camarades, amoureux de ce jardin qu'on appelait la Terre, ne sommes-nous pas nous aussi une création de grand-mère Nature ? A travers l'homme, la natur

Rien, nada, niente !

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Clic (ou pas) Un connard prétentieux m'informait cet après-midi que nous n'étions rien, ni lui, ni moi, ni personne. Que de nous, dans cent ans, il ne resterait rien, que l'oubli définitif nous serait assuré. "Rassures-toi sur ce point" termina-t-il. Avais-je l'air inquiet ? "Mon désir le plus sincère a toujours été de disparaitre" lui confiais-je. "Et être "oublié" par des pines d'huitres dans ton genre serait plutôt un cadeau que me ferait l'éternité", n'ajoutais-je pas. Depuis, me voila hors de moi. Je n'arrive pas à calmer ma colère puérile aux accents d'adolescence. Non, ce monde décidément m'apparaitra toujours lointain. Il n'en aura pas fallu plus pour qu'il perde à nouveau sa consistance, sa "réalité". Me voilà encore déconnecté de tout, ne sentant plus aucun lien entre lui et moi. Je regarde les gens marcher dans la rue comme autant d'ombres irréelles. Les paroles de mes amis

Soirs

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J'aimerais écrire quelque chose de gai. Qui rendrait hommage à la douceur de certains soirs, à l'indolence de vivre, mais je ne sais pas parler des choses heureuses. Quand j'écris, c'est l'ombre noire des tourments qui m'inspire, c'est les vieux cauchemars du passé qui reviennent me hanter. Je voudrais tellement savoir évoquer ces tièdes fins d'après-midi, ces bavardages tendres entre amis, pianoter en mineur la discrète joie de vivre, l'insouciance aussi, qui n'est pas tout à fait morte.

Ivre d'images

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Toute notre culture se fonde sur un appétit d'achat, sur l'idée d'un échange mutuellement profitable. "Attrayant" signifie d'habitude un joli paquet de qualités qui jouissent de popularité et sont recherchées sur le marché de la personnalité. Ainsi deux personnes tombent-elles amoureuses lorsqu'elles ont le sentiment d'avoir découvert le meilleur objet disponible sur le marché, compte-tenu des limitations de leur propre valeur d'échange. Dans une culture où prévaut l'orientation commerciale et dans laquelle le succès matériel constitue la valeur éminente, il n'y a guère de quoi s'étonner que les relations amoureuses suivent le même modèle d'échange que celui qui gouverne le marché des affaires et du travail. Le véritable amour n'est possible que si deux personnes communiquent entre elles à partir du centre de leur existence... Ce n'est pas un sentiment à la portée de n'importe qui : il dépend de notre degré de maturité.